Le risque : danger ou défi ?

« Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve » Hölderlin

Le sens du risque

 

Anne Dufourmantelle est une psychanalyste française disparue cet été et dont la mort nous interpella. L’auteur de l’Eloge du risque a péri dans le sud de la France en voulant sauver des enfants de la noyade. L’alignement entre ses convictions et ses actions apparaît avec force à nos yeux. La pensée de cette femme, qui jugeait que le risque est une manière de vivre pleinement, conduira notre réflexion.

Du danger au possible  

 

Pour affronter ses peurs, Anne Dufourmantelle préconise de les accueillir pour mieux les appréhender. Pour elle, « la sécurité engendre plus la peur que l’inverse ». Prendre des risques serait donc une manière de vaincre une stabilité parfois trop angoissante, une monotonie inquiétante, des certitudes sclérosantes. Dans Eloge du risque, Anne Dufourmantelle, la psychanalyste et philosophe française, tente de décrire ce que provoque en nous la prise de risque. Son approche nous fait réfléchir à une nouvelle définition du risque qui devient une manière de se sentir vivant. Le risque n’est alors plus synonyme de danger mais bien plutôt de possible, d’ouverture, de saut vers l’inconnu. Le risque, tel que cette psychanalyste, permettrait d’« inventer l’avenir » sans rejouer les scénarii déjà connus.

Prise de risque dans l’entreprise

 

Cette question du risque est décisive dans le domaine professionnel et dans l’entreprise. En effet, la prise de risque est au cœur des missions des chefs d’entreprise, des chefs de projets, des directeurs… Chacun, à son niveau, est amené à prendre des décisions dont les conséquences sont parfois colossales : enjeux financiers, enjeux humains, enjeux stratégiques… Une prise de risque réussie est toujours corrélée à une réelle conscience des responsabilités. Si, pour certains, de cette conscience naît le stress, pour d’autres, la prise de risque est avant tout un challenge, un défi, une émulation. Cette seconde voie nous paraît intéressante car elle renoue avec la pensée d’Anne Dufourmantelle.

Prendre le risque, c’est en quelque sorte, oser assumer, oser tenter en conscience, parier en responsabilité. Or, la responsabilisation est essentielle dans la prise de risque. Un discours transparent et clair sur les enjeux, les soutiens, les conséquences à tous les niveaux de l’entreprise permet un engagement collectif plus fort. Ce ne sont ni les sphères éloignées du terrain qui décident, ni les collaborateurs engagés sur le terrain, mais, chaque maillon d’une vaste chaîne, sur qui pèse une responsabilité partielle et partagée.

Gestion du risque et confiance

 

La solution face à la gestion du risque se trouverait donc dans une responsabilisation à tous les niveaux. Au niveau individuel, chacun, soit par sa connaissance de terrain, soit par celle du dossier, engage sa responsabilité. Au niveau collectif, le défi serait à l’accompagnement bienveillant dans la prise de responsabilité. Parmi les écueils actuels, on en rencontre deux distincts : d’une part, l’étagement des prises de décisions éloignées du terrain ; le plus grand risque est alors de ne plus sentir le risque. D’autre part, la sur-responsabilisation d’un collaborateur qui provoque souvent chez lui un niveau de stress élevé, ce qui conduit parfois à la prise de mauvaise décision.

Face à cela, il existe des solutions capables de transformer le risque-danger en risque-succès. La confiance au sein de l’équipe, la transparence du discours et l’accompagnement bienveillant permettent de faire corps autour d’un défi relevé collectivement avec une implication personnelle à chaque niveau. Dès lors que le risque relève du challenge partagé, il est vécu comme un levier d’émulation collective. Comment ne pas suivre Anne Dufourmantelle quand elle nous dit que « le risque est beau » ?

Enregistrer